Tu reçois un DM lisse, flattant, presque robotique. Pas de like, pas de commentaire avant. Juste un « Salut beauté 😍 » tombé de nulle part. Tu cliques sur le profil : rien d’étrange à première vue. Pas de signe clair de dragueur, ni de selfie torse nu, ni de bio aguicheuse. Pourtant, tu n’es pas la seule à avoir reçu ce message. Ni la dixième. Ni la centième.
Bienvenue dans l’univers feutré mais intense des dragueurs en série sur Instagram. Ces profils qui, derrière une façade banale, enchaînent les messages privés comme d’autres envoient des CV. Mais que cherchent-ils vraiment ? Pourquoi Instagram est devenu leur terrain de chasse préféré ? Et surtout, comment ce comportement a-t-il basculé d’une drague maladroite à un vrai petit business de l’attention ?
Pourquoi certains hommes draguent en masse sur Instagram ?
Parce que ça marche parfois, et qu’ils n’ont rien à perdre. Instagram offre un accès direct, gratuit et sans filtre à des millions de femmes. Pas besoin de matcher comme sur Tinder : il suffit d’envoyer un DM. C’est rapide, sans engagement, et ça permet de contacter 10, 100 voire 500 personnes en une journée si on est motivé.
Le modèle, c’est celui du tir groupé : plus on tire, plus on espère toucher quelque chose. Ces hommes cherchent rarement une vraie connexion. L’objectif, c’est la réponse, le frisson du « vu », le petit espoir d’un échange, d’un snap, d’un nude, parfois d’une rencontre. Le tout en recyclant les mêmes phrases, les mêmes compliments, sans jamais s’intéresser à la personne derrière l’écran.
Comment repérer un serial dragueur sur Instagram ?
Leur profil est souvent neutre, voire discret. Juste assez de photos pour paraître crédible. Pas trop de commentaires visibles, pas de publications qui attirent l’attention. Mais en coulisses, c’est une machine de guerre. Des dizaines de conversations ouvertes, des messages identiques ou presque, souvent sans lien avec le contenu du profil de la destinataire.
Autre signe : la rapidité et la répétition. Si ton amie, ta cousine et toi avez reçu exactement le même message, il n’y a pas de hasard. Certains vont jusqu’à utiliser des scripts ou des outils semi-automatisés pour gérer leur « pipeline de prospects ».
Pourquoi cette stratégie est-elle devenue si courante ?
Parce qu’Instagram, au-delà de ses filtres et de ses stories, est un marché de l’attention. Et certains en ont bien compris les codes. Un DM bien placé peut rapporter une réaction, une validation narcissique, ou plus. Le « serial DMing » est un jeu à faible coût et à gains potentiels élevés — du moins dans leur logique.
Les dragueurs en série s’inspirent souvent des techniques de « pick-up artists » (PUA), qui enseignent depuis les années 2000 des méthodes pseudo-scientifiques pour séduire. La version 2.0, c’est Instagram : des filles accessibles, un contact direct, et un nombre illimité de tentatives.
Y a-t-il un vrai « business » derrière ce comportement ?
Indirectement, oui. Certains comptes masculins construisent une audience à coups d’interactions massives. D’autres font de la collecte de contacts pour du contenu adulte, du dropshipping ou même de la manipulation sentimentale. Il existe même des formations en ligne qui promettent de « transformer Instagram en machine à conquêtes ».
À l’échelle individuelle, certains de ces dragueurs vendent ensuite des conseils, du coaching de séduction, voire des abonnements à des contenus privés. Le DM est alors une porte d’entrée commerciale déguisée.
Comment réagir face à ces approches systématiques ?
Le plus simple est souvent d’ignorer ou de bloquer. Répondre, même par un refus poli, peut être interprété comme un encouragement. En cas d’insistance ou de harcèlement, signaler le compte reste la meilleure option.
Mais au-delà de la réaction individuelle, il y a une prise de conscience collective à renforcer : ces comportements ne sont pas des maladresses, ce sont des stratégies. Et plus on les identifie, plus on les désamorce.
Instagram favorise-t-il ce type de comportement ?
Oui, involontairement. L’algorithme met en avant les profils les plus actifs, même dans les interactions privées. Les suggestions de contacts, les likes visibles entre amis et la facilité d’envoi des messages favorisent cette dérive.
Et comme Instagram ne restreint pas facilement les DMs entrants (contrairement à certaines applis de rencontre), cela ouvre la porte à tous les abus. Le réseau commence à tester des limites (comme cacher les messages de comptes inconnus), mais le système reste permissif.
Peut-on changer cette dynamique ?
Le changement viendra de l’usage. Plus les utilisatrices filtrent, signalent ou dénoncent publiquement les comportements problématiques, plus les plateformes seront forcées d’agir. Et plus on met en lumière les techniques des dragueurs en série, moins elles impressionnent.
En attendant, savoir repérer ces profils, en parler entre amies, et ne pas tomber dans le piège de la flatterie impersonnelle reste la meilleure défense. Car sous les « Salut beauté 😍 », il n’y a souvent qu’un vide bien organisé.
Et toi, combien de messages identiques as-tu déjà reçus cette semaine ?